Chapitre 11 Des vessies pour des lanternes

Publié le par Bruno Claret

Hallucinogene qui les avait entendus arriver dans le couloir se précipita. Le cœur battant elle se jeta sur eux dès qu’ils eurent passé la porte.

- Alors ?!!! Vous en avez mis du temps, je commençais à me faire du souci, dit-elle en les serrant fortement contre elle. Puis elle s’écarta et finit de se sécher les cheveux d’un geste élégant. Ni tenant plus de les attendre, elle était allée prendre une douche, espérant ainsi tuer l’angoisse qui l’envahissait. Elle n’était du coup vêtue que d’une simple serviette entourée à la va-vite autour de sa poitrine.

- Bon je vais m’habiller, alors racontez-moi ! Comment ça s’est passé ? Demanda-t-elle en tournant les talons.

 Tungstene la regarda passer, gracieuse et féline dans la petite salle de bain de la chambre.

Hallucinogene se prépara rapidement pendant que Tungstene lui contait ce qu’ils venaient de vivre.

- C’est affolant, je n’en crois pas mes oreilles ! Dit-elle en ajustant son mascara. Comment une ville sous la ville peut être ignorée des autorités ?!

- Il y a sûrement des enjeux politiques là-dessous, supposa Baliverne.

Hallucinogene fit la moue, se regarda une dernière fois, détordit la bretelle de son soutien-gorge et enfila son chemisier blanc, tu as sans doute raison, le gouvernement d’Atlantide a parfois de drôle de façon de faire et son intégrité est loin d’être parfaite !

Elle fouilla dans sa trousse de toilette en sortit un flacon de Kissouane, son parfum préféré : un mélange d’agrumes et une pincée d’épices. Elle appuya deux fois sur le gicleur pour en vaporiser sur chaque côté de son cou et sortit de la salle de bain.

- Une question se pose tout de même maintenant ! Comment allons-nous aller là-bas ? Demanda Hallucinogene, difficile d’utiliser le coquillage, on ne sait pas trop où l’on va tomber !

- Je pourrais penser à Lennia, je me retrouverais automatiquement à ses côtés, proposa Tungstene.

-Jamais de la vie ! S’écria Hallucinogene, surprise elle-même de s’entendre crier aussi fort. 

Sans qu’elle ne sût dire pourquoi, l’idée que Tungstene pense à cette fille la dérangeait au plus haut point. Ses deux amis la regardèrent étonnés de sa vive réaction. Elle rosit légèrement et rajouta pour se justifier tant bien que mal :

- ça serait lui divulguer notre secret !

- Nous avions pensé y aller en car, dit Tungstene mêlant Baliverne à une idée qu’il avait eue seul.

- Pourquoi pas, approuva Hallucinogene soulagée. Comme ça nous pourrons continuer un peu notre ballade. Il paraît que les paysages sont magnifiques dans ce coin d’Atlantide.

- Par contre, il est un peu tard pour partir maintenant, le soleil va bientôt se coucher. Profitons de l’hôtel ce soir et partons tôt demain dans la matinée ! Proposa Tungstene.

- Bonne idée ! Dit Baliverne en se jetant sur le lit à baldaquin, je suis fatigué et affamé.

- C’est vrai qu’avec toutes ces aventures, nous avons sauté le repas de midi, ajouta Tungstene dont l’estomac criait famine.

- Pour ma part, je n’ai avalé qu’un petit sandwich en vous attendant et je mangerai bien aussi ! Dit Hallucinogene.

- Ok ! On y va ! Juste le temps de prendre une petite douche, car j’ai l’impression de sentir le fennec mélangé aux égouts, dit Tungstene. Et puis toi, tu es belle comme un coucher de soleil et tu sens merveilleusement bon, on ne va pas te faire honte quand même ! Ajouta-t-il de bonne humeur.

Ils éclatèrent de rire tous les trois, mais les compliments qu’Hallucinogene venait de recevoir de Tungstene lui firent chaud au cœur. Elle ne savait pas si c’était l’ambiance douce et chaleureuse que procurait la pièce si finement décorée, ou si c’était le soulagement après l’angoisse de l’après-midi qui en était la cause. Mais elle se sentait de plus en plus attirée par Tungstene et n’avait plus envie de ne rester qu’une amie pour lui. 

- Oui, vas te laver tu pues, lui ordonna Baliverne en riant et je te suis directement après, parce que moi ce n’est pas mieux ! Dit-il en se reniflant sous les bras et en faisant la grimace plus pour faire rire ses amis que pour autre chose.

Hallucinogene suivit du regard Tungstene qui passait dans la petite pièce d’où elle-même était sortie peu de temps avant et laissa échapper un léger soupir.  Baliverne la surprit immédiatement. Il la regarda interrogatif, il semblait avoir compris ce qui se passait dans la tête de la jeune fille.  Hallucinogene lui répondit du regard en souriant et hocha la tête : oui ! Elle était en train de tomber amoureuse de Tungstene.

Baliverne allait ouvrir la bouche pour en avoir la confirmation verbale, lorsque la voix de Tungstene le coupa dans son élan.

- C’est bon Bal, la douche est libre, tu peux venir !

- Chut ! Lui souffla-t-elle, en lui faisant vite signe avec le doigt de ne rien dire à Tungstene.

Baliverne sourit et leva le pouce en signe d’approbation puis s’engouffra dans la salle de bain.

La petite pièce était, elle aussi, très bien décorée, les tons bleus et verts de la mosaïque donnaient l’impression de se baigner dans un lagon.  Un cadre en fer forgé vert finement ouvragé entourait comme des algues le miroir principal.

- Fais-toi beau jeune homme, plaisanta Baliverne en s’adressant à son ami, on ne sait jamais.

Tungstene qui n’avait pas compris l’allusion rit aussi :

- Tu as raison, qui te dit qu’on ne va tomber sur les femmes de nos vies ce soir !

Hallucinogene les entendait rire et s’amusait de l’autre côté de la porte.

- Dites ! Je suis toute seule là pendant que vous vous marrez sans moi ! Si vous continuez de me délaisser, je vous rejoins, menaça-t-elle en rigolant.

- Ça ne déplairait pas forcément à tous, répondit Baliverne sur un ton de défi.

Mais elle n’eut pas le temps de mettre à exécution sa menace, que déjà Tungstene sortait.

- Pfeu arrête de dire des bêtises. Nous voilà prêts !

- Bon où allons-nous ? Demanda Baliverne

- Tu as une idée Gennie ? Demanda Tungstene

- Non pas vraiment, répondit-elle, nous pourrions peut- être aller tout simplement au restaurant de l’hôtel !

- Bonne idée ! S’écrièrent-ils ensemble.

Baliverne passa le premier, suivi par Tungstene, Hallucinogene voulait rester dernière.

- Joli pantalon Tungstene, il te va à ravir !

Tungstene se retourna et croisa le regard d’Hallucinogene, ses yeux pétillaient, elle était belle à croquer.

- Merci, répondit celui-ci sans plus s’attarder sur le sujet.

Ils descendirent les grandes marches recouvertes d’un épais tapis rouge jusqu’à la salle de restaurant.

De larges portes en bois en fermaient l’entrée. Par les petits carreaux de verre jaune translucide, on pouvait apercevoir l’intérieur, il n’y avait en tout et pour tout qu’une dizaine de clients. La salle n’était pas très vaste. De belles colonnes en marbre vert bordaient les murs. Les tables en bois foncé étaient entourées par de petits fauteuils recouverts d’un tissu bordeaux. Des chandeliers posés sur chaque table complétaient la lumière dégagée par les vasques torchères suspendues aux angles et baignaient la salle d’une douce lumière. L’ambiance chaleureuse et romantique plut à Hallucinogene et la trouva propice à un rapprochement avec Tungstene.

Un majordome en toge noire et blanche les accueillit

- Messieurs dame ?

- Une table pour trois s’il vous plaît, demanda poliment Baliverne toujours en tête.

Le majordome les conduisit sur le bord de la pièce tout près d’un aquarium où s’ébattaient frénétiquement de magnifiques poissons tropicaux et leur donna la carte.

Ils s’assirent autour de la petite table. Tungstene qui voulait choisir judicieusement prit le feuillet en main et se cala bien au fond de son siège, étendit les jambes et toucha celles d’Hallucinogene. Il les rétracta aussitôt.

- Ho pardon ! S’excusa-t-il gêné.

Hallucinogene le regarda avec un sourire charmeur :

- Non laisse-les ! Ça ne me gêne absolument pas ! Et elle étendit les siennes vers Tungstene.

- Filet de merlan aux câpres et au citron ! S’exclama Baliverne qui n’avait rien suivi des histoires de jambes, mais avait déjà l’eau à la bouche.

Tungstene et Hallucinogene se jetèrent sur la carte pour choisir à leur tour.

- Risotto d’églefin aux amandes et aux cèpes, rétorqua Hallucinogene.

- Ha ! Je l’aurais bien pris aussi ! Mais j’hésite avec le filet de turbot grillé sauce du chef, dit Tungstene

- Prends le turbot et on partagera, proposa Hallucinogene en passant une main dans ses cheveux et en plongeant ses yeux dans ceux de son ami.

- Bonne idée ! Sourit-il charmé par l’idée et par sa compagne. Ce qui n’échappa pas à la sagacité de la belle prétendante dont le cœur s’emballa aussitôt.

Le serveur sortit un stylet en bois et inscrivit la commande sur sa tablette d’argile.

- Je vous apporte ça tout de suite dit-il en reprenant les menus, puis-je vous suggérer une petite bouteille de sablière, c’est un vin blanc doux et sans alcool qui se marie à merveille avec vos choix.

- Ho oui ! Très bien ! Faites, acquiesça Baliverne.

En attendant d’être servis, ils bavardèrent gaiement plaisantant sur tel ou tel sujet. Le cœur d’Hallucinogene battait toujours la chamade les mains moites, elle ne détachait pas son regard de celui de Tungstene et mettait en avant toute la séduction dont elle pouvait faire preuve, sans pour autant tomber dans le ridicule et la vulgarité. Elle espérait surtout qu’il lût dans ses pensées et criait très fort dans sa tête « Tungstene je suis en train de tomber amoureuse de toi !  » Cela semblait marcher. Tungstene lui paraissait conquis.

Le serveur apporta enfin les assiettes pleines de succulente nourriture. Comme convenu, Tungstene et Hallucinogene échangèrent un bout de leurs plats.

- Bon mangeons rapidement, il faut aller nous coucher tôt, pour aller sauver la belle Lennia, dit machinalement Tungstene en piquant sa fourchette dans son demi-turbot.

Hallucinogene eut l’impression d’une douche froide lui coulant le long du cou.

- La belle Lennia ! S’exclama-t-elle.

- Ben oui, dit Tungstene sans se douter de ce qu’il provoquait, elle est plutôt mignonne et…si elle était d’accord, je sortirais bien avec elle !

Le cœur d’Hallucinogene se serra, une grosse boule vint lui obstruer la gorge et elle sentit les larmes monter à ses yeux. Ses jambes lui parurent devenues en coton et il lui semblait qu’elles se dérobaient sous son poids. Le sentiment de bonheur qu’elle avait ressenti depuis le début de la soirée s’était envolé en une fraction de seconde laissant place à une grande tristesse mêlée de colère.

- Ha d’accord ! Tu ne nous as entraînés dans cette aventure que pour ça ! Dit-elle furieuse.

- Bien sûr que non ! Comment peux-tu dire ça ? Se défendit Tungstene. Et que voulais-tu qu’on fasse ? On ne pouvait pas la laisser tomber quand même !

Hallucinogene ne décolérait pas.

- Non bien sûr ! Et puis après tout, tu fais ce que tu veux, nous ne sommes qu’amis ! Dit-elle presque comme un aveu. Vous m’excuserez, mais je me sens fatiguée, je vais me coucher.

Et elle quitta la table sans un mot de plus. Les garçons la regardèrent partir sans oser la retenir.

- J’ai dit quelque chose qu’il ne fallait pas ? Demanda Tungstene à son ami.

- Ben…Essaya Baliverne, il y a peut-être un peu de jalousie, dit-il sans vouloir trahir Hallucinogene.

- C’est sûr que je préférerais sortir avec Gennie, mais comme elle vient de me le faire remarquer, elle n’a pas l’air d’être bien d’accord !  Et pourtant ce soir, j’ai cru un moment que…

Baliverne haussa les épaules d’un air qui ne voulait rien dire. Il préférait ne pas trop s’avancer sur ce terrain glissant.

Des larmes plein les yeux, Hallucinogene passa devant le majordome qui faisait l’entrée.

- Quelque chose ne va pas mademoiselle ? Demanda-t-il gentiment.

- Non tout va bien, répondit-elle avec un sourire forcé, mais ça fait toujours un peu mal de prendre des vessies pour des lanternes.

Elle monta rapidement les marches qui menaient à la chambre et se coucha sans plus attendre. Quand les garçons arrivèrent quelque temps plus tard, elle fit mine de dormir, mais passa une bonne partie de la nuit à sangloter en silence, trempant son doux oreiller parme.

 

 

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article